Les médias jouent un rôle prépondérant dans le devenir des sociétés. Ils s’associent au développement de toute nature des peuples. En Haïti, le virage démocratique post 86 a propulsé l’influence de la presse et des médias. Cette ferveur médiatique a favorisé l’érection de normes fondamentales en rapport à la liberté de la presse et d’association. Tout compte fait, l’industrie des médias tient autant à l’État qu’aux agents privés investissant dans le secteur des télécommunications. Ainsi, se forge cette interrogation de savoir pourquoi l’Etat s’immisce-t-il dans la sphère médiatique ? Former, informer et distraire, quel intérêt détient un État démocratique à faire de ces objectifs les siens ? L’enjeu de la participation effective de l’État dans la gestion globale de l’information en se disposant lui-même de médias se mesure à un triple niveau. Il s’agit pour l’État, en un premier lieu, de se confiner comme véritable régulateur des médias. Dans un second temps, l’État renforce son rôle dans l’Éducation de son peuple. Et, en un dernier lieu, il convient pour l’État de perpétuer sa culture.
- L’Existence même d’un Média d’État renforce l’autorité de régulation du secteur médiatique
Le cadre juridique régulant le domaine des médias en Haïti offre à l’État à travers le Conseil National des Télécommunications (CONATEL) le privilège de régulation des Médias. Dans ce rôle dévolu au CONATEL, il n’en est pas fait exemption des médias de service public communément appelé « médias d’État ». En effet, en Haïti, d’une manière globale, il existe trois (3) catégories de médias. Il s’agit des médias commerciaux, des médias communautaires ainsi que d’autres médias dits religieux pour leur appartenance à des groupes d’influence se spécialisant dans la religion. Une autre catégorie, les médias en ligne, prend en proportion ces dernières années dans le milieu haïtien.
Réguler les médias privés sans en donner un véritable modèle serait une toute vaine entreprise. L’État donne le ton en disposant lui-même des médias. La régulation des médias, par exemple, fait injonction aux exploitants de médias d’user d’un programme qui éduque les membres de la population. Avant même d’attendre qu’un ordre intimé aux propriétaires des médias privés soit pris en compte, il importe à l’État de donner l’exemple à travers ses médias.
L’alignement des médias aux directives étatiques va de mieux quand l’État incarne le modèle à suivre. Les médias d’Etat sont les premiers à respecter les normes établies et édictées par l’état. Un média d’État ne saurait désapprouver la régulation mise en branle par l’Etat lui-même. Bien des dérives arrivent dans les médias privés en Haïti de nos jours, il arrive qu’on en compte de moins en moins dans les médias de services publics.
- Les Médias d’État, de véritables canaux d’Éducation de masse
Qui s’informe se forme, dit le vieil adage. Dans tous les pays, les médias aident dans l’éducation de masse. Ils font la promotion des valeurs sociétales et perpétuent les normes à respecter dans une société. Si l’Education formelle est gérée par le Ministère en charge de l’Éducation, le non formel est l’apanage des médias. Les intérêts de toutes sortes peuvent engendrer un déficit de la part des médias privés dans l’accomplissement de cette prérogative d’éducation de masse. Quand de groupes puissants de l’économie gardent en partie l’écosystème médiatique, ils le conservent à leur seul profit. Et, a fortiori l’intérêt d’éduquer le peuple ne fait pas souvent partie de la quête mercantile.
Un média d’État est créé en fonction d’un besoin de satisfaire la collectivité. Il est un organe de formation par l’éducation et l’information de la communauté. Pour arriver à la transformation de cette société dans laquelle nous vivons, il faut bien que les médias de services publics notamment puissent éduquer toutes les couches sociales. L’État doit pouvoir se compter sur lui-même à travers ses canaux de diffusion de masse pour éduquer son peuple.
- Les Médias d’État, des organes pour répandre et promouvoir la culture d’un peuple
Ce qui nous lie comme haïtien où que nous puissions nous retrouver sur la planète, c’est notre culture. Nos us, coutumes, traditions et savoir faire sont à perpétuer d’une génération à d’autres. La culture existe quand elle se promeut. Elle est connue par les médias qui vendent ses beaux attraits. Véhiculer nos pensées, nos émotions, nos réalisations, notre histoire n’est possible aujourd’hui qu’à travers les médias. Seuls les médias d’État sans parti pris aucun peuvent hisser bien haut le flambeau de notre culture. En fait, dans cette ère numérique, les médias d’intérêts privés font promotion de la culture dominante, de ce qui fait du buzz. La propagation des ressources du terroir sont oubliés ou parfois relégués au second plan. Il faut bien des médias qui fuient l’acculturation et qui contre vents et marrées poussent la culture locale ambiante dans cette dynamique de compétition entre les cultures.
Haïti vivra bien quand elle pourra compter sur l’essor de sa culture. Un pays existe quand ses valeurs propres fondamentales et traditionnelles sont adoptées par ses propres nationaux. Et, l’apprivoisement du « nous-mêmes » se fera quand nous nous reconnaissons dans la vitrine mondiale par notre culture.
Il s’agit, en clair, d’un risque à prendre pour perpétuer nos valeurs ancestrales par les médias de services publics. Ce faisant, il n’y aura forcément pas la part du lectorat, de l’audience et de spectateurs recherchés mais sur le long c’est le chemin à emprunter.
En définitive, la remobilisation d’un média d’État écrit répond aux manquements existant de réguler, d’éduquer et de promouvoir la culture haïtienne. Les médias aujourd’hui évoluent dans un grand marché de concurrence. L’État n’a nullement intérêt de laisser ce champ des mains d’autrui, il faut tirer sa part de profit en investissant dans ses progrès organes médiatiques.
Godson LUBRUN
Master en Management des Médias
Communicant
Journaliste